Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE - N°13 - Année 2008 |
LA BATAILLE DE REVEL Dossier présenté par Jean-Paul Calvet
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15 ou 16 juillet 1381
CONTEXTE POLITIQUE LE REGNE DE CHARLES V
En 1364, Charles V succède
à son père Jean le Bon (petit fils de Philippe VI de Valois, le
fondateur de Revel). C'était un prince prudent et sage qui releva la
France de l'abaissement où l'avaient mise les deux rois précédents,
surtout par suite de la guerre de Cent Ans.
Il nomma son frère Louis d'Anjou gouverneur du Languedoc. Ce dernier
possédait de brillantes qualités, avisé et politique adroit comme son
frère, aimant les arts et les belles lettres, mais dépensier et menant
grande vie, il va pressurer le Languedoc qui, accablé d’impôts ne
cessera de se plaindre et de protester.
Néanmoins, il s'attaque à mettre un peu d'ordre dans la province. Il
charge le valeureux Bertrand du Guesclin d'éloigner tous les routiers et
d'incorporer les irréguliers dans ses « bandes d'ordonnance » qui
étaient une sorte d'armée régulière. En 1367, Du Guesclin entraîne ses
troupes, d'ailleurs peu nombreuses en Espagne avec pour but de détrôner
Pierre de Castille, pour le remplacer par Enrique de Transtamare, mais
la plupart de ces routiers préféraient la vie de rapines dans le
Languedoc aux aléas de la guerre. La situation troublée dans le pays, ne
s'améliore donc pas. Dans le même temps, le duc d'Anjou avec Du Guesclin
devenu connétable, reprend une partie du Quercy et du Rouergue.
En 1374, il reprend la Bigorre et l'Armagnac, ce qui oblige les Anglais
à se replier sur Bordeaux. Mais menant en même temps un train de vie
dispendieux, il épuise le pays par les impôts et se rend odieux par sa
capacité (1) . Ce qui amène le roi, sensible aux remontrances, à le
rappeler et à le remplacer par le populaire comte de Foix Gaston
Phoebus.
GASTON PHŒBUS ET DUC DE BERRY
Sur ces entrefaites le roi meurt le 16 septembre 1380. Son fils, le
futur Charles VI n'ayant que 12 ans, c'est son oncle le duc d'Anjou qui
prend la régence du royaume. Le comte de Poitiers, autre oncle devenu
duc de Berry se fait confier le gouvernement du Languedoc, la nomination
du comte de Foix comme gouverneur n'ayant pu être entérinée à temps par
les officiers royaux.
Gaston Phœbus, fort des pouvoirs que lui avait accordés feu le roi, et appuyé par tous les notables, refuse du reconnaître le nouveau gouverneur.
Voici comment Dom Vaissette raconte le conflit qui va opposer les deux
gouverneurs (2):
« Gaston Phœbus destitué, hésita sur la conduite à tenir ; par respect
pour l'ordre du roi, il obéit.
Il voyait que l'amour que lui portait le peuple de sa province, attaché
par les douceurs de son administration, était sur le point d'être livré
à l'avarice de son nouveau gouverneur ; aussi l'affront de lui ôter sans
l'avoir mérité un gouvernement considérable confié au beau-frère du
comte d'Armagnac, son ennemi.
« Dans cette perplexité, il assembla à Toulouse les nobles de cette
ville et environs pour les consulter.
Les avis furent partagés : quelques-uns étaient pour la soumission, la
plupart étaient contre, donnant comme exemple la manière du duc de Berry
qui chargeait d'impôts et de subsides ses sujets poitevins.
Rappelant ce que l'on avait eu à souffrir de la part du duc d'Anjou à
qui le feu roi avait enlevé le gouvernement du Languedoc à cause de ses
vexations, et que son frère le duc de Berry ne traitait pas mieux.
Ils conclurent donc de faire des remontrances au roi pour le supplier de
confirmer le comte de Foix. En prévision de la résistance du duc de
Berry, ils proposèrent de s'armer et de se mettre en état de défense.
Ils envoyèrent des députations au roi et au duc de Berry ; au roi pour
se déclarer très humbles serviteurs et sujets, souhaitant que sa Majesté
vint elle-même réformer les abus glissés dans le pays ; que le feu roi
avait nommé Gaston Phœbus qui, n'ayant commis aucune faute, ne méritait
pas cette destitution. Et au duc de Berry, pour le prier de se désister.
(1)Le peuple est près de la révolte et des signes
précurseurs annoncent déjà la jacquerie des Tuchins.
(2) "Histoire générale du Languedoc", par Dom Devic et Dom Vaissette.
« Le roi
écrivit au comte de Foix pour lui demander d'aider le duc de Berry de
ses conseils.
Le 4 février 1381 le comte de Foix répondit qu'il ne souffrira pas en
Languedoc « ni seigneur ni partie », donc, le duc de Berry, mais obéira
à tous autres lieutenants.
Le roi écrivait en même temps aux prélats, barons et principales villes
de la province pour les engager à se soumettre au duc de Berry. La
plupart refusèrent. Le roi fut très mécontent de cette désobéissance.
Jean de Berry attendit à la cour quelque temps pour voir l'issue de ses
affaires, puis il s'avança jusqu'à Bourges où une lettre du comte
d'Armagnac son beau-frère l'informa des préparatifs pour s'opposer.
Il lui répondit que son projet était d'arriver avec 4 000 hommes d'armes
et 2 000 arbalétriers, mais qu'il était fort embarrassé pour les
soudoyer.
Le duc de Berry assembla des troupes de toutes parts et le comte
d'Armagnac marcha à son secours avec 6 à 700 lances.
D'autre part Gaston Phœbus avait joint ses propres troupes à la
principale noblesse et aux communs de la sénéchaussée de Toulouse.
Il commença dès le mois d'avril 1381 à faire des courses dans la
sénéchaussée de Carcassonne qui s'était déclarée dans sa plus grande
partie en faveur du duc ; et ayant appris l'arrivée du duc, l'envoya
défier.
Le duc accepta le défi ; et ayant convenu d'un certain lieu pour
combattre le comte de Foix, ce dernier partit de Toulouse à la tête de
ses troupes.
Les deux armées étant en présence, un des officiers du duc de Berry
voyant qu'il n'était pas assez fort, lui conseilla d'éviter le combat.
Mais le prince répondit fièrement :« A Dieu ne plaise qu'un fils de roi
montre jamais tant de lâcheté que de refuser de donner sur un ennemi
présent.
Je jure tout au contraire que je ne me délogerai point d'ici que je
n'aye présenté la bataille. Il la présenta en effet et elle ne fut pas
longue.
Le comte de Foix, de beaucoup supérieur en forces eut bientôt mis son
armée en déroute et l'obligea à prendre la fuite après lui avoir tué
environ 300 hommes.
C'est tout ce que nous savons de ce combat dont on dit ni le lieu ni le
jour ; mais nous croyons que le duc de Berry ayant assiégé Revel en
diocèse de Lavaur, le comte de Foix assigna au duc de Berry pour le
combat la plaine qui est aux environs de cette ville et qu'il se donna
le 15 ou le 16 juillet. »
En réalité,
Dom Vaissette ne fait que rapporter dans ce récit des informations qu'il
avait puisées dans les textes d'un anonyme (de Saint- Denis).
D'après lui, cette bataille aurait eu lieu le 21 juillet 1381 près de
Rabastens, à Couffouleux et ni le comte de Foix ni le duc de Berry n'y
assistaient.
C'est là que les troupes de Gaston de Foix commandées par Aymeri de
Roquefort écrasèrent une troupe ennemie commandée par dix capitaines et
un autre routier, le bâtard de Landorre qui fut tué, et constituée de
gens d'armes licenciés par le duc de Berry, qui essayaient de rejoindre
les états du comte d'Armagnac en passant par l'Albigeois.
Les chefs furent faits prisonniers et jetés en cul de basse fosse, les
simples hommes d'armes prisonniers furent noyés ou pendus.
Quant à la bataille de Revel, elle aurait bien eu lieu vers le 15 ou le
16 juillet, non sous les murs de la ville mais 5 kilomètres plus à
l'ouest dans la plaine de Roumens, entre Montégut et Saint-Félix.
On aurait trouvé là, au début du XIXe siècle une quantité considérable
de fers à cheval évidemment rouillés, dont la présence indiquerait le
lieu de combat où le duc de Berry y aurait perdu environ 300 hommes.
Celui-ci se replia le jour même vers Revel, espérant y trouver refuge
mais la ville lui en interdit l'entrée.
C'est dans ce sens qu'il faut interpréter un texte qui dit :
« la jeunesse soutint le siège et gagna une bataille livrée sous ses
remparts , c'est donc sous ses murs, sans attendre davantage, que le duc
réorganisa ses troupes et licencia quelques centaines d'hommes, ceux-là
même qui probablement se dirigèrent vers le Tarn où ils furent surpris
et anéantis par les hommes d'Aymeri de Roquefort le 21 juillet ».
Il quitta Revel le 16 juillet et se dirigea vers Carcassonne qui lui
refusa également l'entrée de la ville. Toute la région fut mise à sac.
Néanmoins, le conflit qui opposait les deux gouverneurs ne s'envenima
pas.
Une négociation se noua entre les deux rivaux par l'entremise de
l'évêque de Langres et de Le Galois Yssalguier ancien conseiller du duc
d'Anjou.
Une paix fut conclue et Gaston Phœbus renonça au gouvernement du
Languedoc.
Mais il y eut aussi à la même époque d'autres combats, notamment une
expédition que fit le comte de Foix vers Saint-Paul Cap-de-Joux,
Puylaurens et Verdalle ou ses troupes ne se conduisaient pas mieux que
celles du duc de Berry.
Composition académique de la bataille de Revel (15 ou 16 juillet 1381)
Eau-forte de Cazes d’après Cochin (1730) figurant dans l’édition
originale de l’ « Histoire Générale du Languedoc » par Dom Devic et Dom
Vaissette.
DETAIL DE LA COMPOSITION |
GASTON PHOEBUS |
ARMOIRIE DU DUC DE BERRY |
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